Voyager sur des crêtes de montagne presque aussi hautes que le ciel pendant des kilomètres d’affilée, voir les forêts ondoyantes de bouleaux et de genévriers s’étalant loin en-dessous, des précipices fleuris qui s’ouvrent à droite aussi bien qu’à gauche ; marcher pieds nus sur des champs à n’en plus finir, couverts d’herbe douce où de mignonnes petites fleurs pleines d’amour se prennent entre vos doigts de pied ; profiter des vues argentées des cascades sur les pentes du lointain Kailash ; observer les petits daims musqués pleins de vivacité bondir devant vous à la vitesse de l’éclair – la lune pourrait bien chevaucher de si beaux coursiers – être frappé de stupeur de temps à autre par des aigles royaux, garudas, qui font aller et venir leurs larges ailes une fois d’un côté, une fois de l’autre. Se baisser pour cueillir à chaque instant des lotus du Brahma, qui combinent dans leurs jolis pétales l’or et la senteur, et chanter des hymnes, fredonner l’Om, c’est à cela que nous avons consacré notre temps, loin au-dessus du tohu-bohu de la vie du monde ; des lacs bleus, profonds et vastes dans leur étendue cristalline, animés de vaguelettes sous l’air pur et frais du Kailash. […] C’est dans une solitude aussi élevée que le soleil profite sereinement de sa gloire séduisante. A de telles hauteurs, on ne doit pas s’attendre à des hameaux ou à des cabanes ; on passe les nuits dans des grottes où la brise dort.
Oh! La joie de laisser derrière soi les plaines prosaïques et une conscience du corps desséchante! Oh! La joie de se mêler avec le soleil et la brise! Oh! La joie d’errer dans les profondeurs de la forêt céleste, infinie de l’Ekamévâdvitiyam, le « Un seulement sans second » (Râmatirtha – Le soleil du Soi – éd. Accarias, L’originel).