« C’est pourquoi, voici, moi, je l’attirerai, et je la mènerai au désert, et je parlerai à son coeur » Osée 2 14

Au printemps 2007, puis à l’automne de l’année suivante, j’ai eu la chance de séjourner sur le plateau de l’Assekrem, pendant plusieurs semaines. Ce fut possible grâce à la présence, là-haut, de quelques-uns des membres de la petite communauté chrétienne des frères de Jésus. Ils mettaient à disposition de petits ermitages pour les personnes désireuses de séjourner dans ce lieu. A l’origine, ceux-ci avaient été construits pour les frères de la communauté, mais désormais, ils étaient ouverts à tous ceux qui le souhaitaient.
Le plateau
Le plateau sur lequel se trouvent ces petits ermitages est situé en plein coeur du massif du Hoggar, dans le sud de l’Algérie, en plein désert du Sahara, à une altitude approximative de 2780 m. C’est un lieu d’une grande grande beauté sauvage, constitué de pics rocheux qui semblent surgir de partout, pour former toutes sortes de constructions rocheuses impressionnantes.

Depuis l’ermitage de Cana
Lors de ces deux séjours, j’ai été hébergé à chaque fois dans le petit ermitage de Cana, qui offre une vue très impressionnante sur les montagnes du Hoggar. Lorsqu’on y monte pour la première fois, l’air et la hauteur du lieu vous saisissent et vous font tourner la tête, l’espace qui s’étire dans toutes les directions, et la beauté du site sont stupéfiants…




Lever de soleil…
Pour toute beauté, jamais je ne me perdrai, sinon pour un ‘je ne sais quoi’ qui s’atteint d’aventure » St Jean de la Croix
Beaucoup de gens montent ici pour assister au lever du soleil, et il est vrai que le lieu s’y prête parfaitement. Le meilleur moment de l’année pour y assister s’étend sur quelques semaines au printemps, et en automne lorsque le soleil se lève entre les deux pitons montagneux des Tezouïat. C’est une vraie chance de pouvoir profiter de ce spectacle d’une toute grande beauté.

Exploration des alentours
Disposant de beaucoup de temps libre et de pas mal de motivation, j’ai commencé à explorer les alentours du plateau: ce ne sont pas les possibilités qui manquent, dans toutes les directions, se trouvent des montagnes à gravir ou des sites à découvrir.


Montée au Tahat
Le Tahat (2918 m) est le point culminant du massif. C’est aussi l’un des sommets les plus élevés de tout le Sahara. Comme il était situé non loin du plateau, je me devais d’y aller: je prépare mon sac, emporte 10 litres d’eau, et de quoi tenir au sommet une journée complète ainsi que 2 nuits consécutives. Il faut compter 5 ou 6 heures pour atteindre le sommet, il n’y a évidemment pas de balisage, ni de chemins pour s’y rendre, il faut se déplacer à vue entre les montagnes et attaquer le sommet à travers les éboulis (pente gauche de la photo ci-dessous). De temps à autre, je tombe sur une petite piste empruntée uniquement par les Touaregs. Naturellement, je ne croise personne au cours de cette randonnée.


Le Tahat, tout comme le plateau de l’Assekrem a été créé par des coulées importantes de lave ‘phonolitiques’. Les pitons rocheux qui entourent ces montagnes et jaillissent de toutes part sont constitués de Phonolite ou de trachyte (roches volcaniques); ce sont ces roches, issues d’une activité volcanique intense, qui donnent au site son aspect si caractéristique.

Paysage lunaire

Il est de ces instants où le paysage, par un jeu chanceux de lumière, devient irréel: ainsi, ce jour, sur un sommet quelconque aux alentours du plateau… alors que la marche jusque là s’était effectuée au cours d’une après-midi nuageuse, soudainement, le soleil perce, modelant le paysage en d’infinies nuances ocre tirant vers le gris-bleu pastel du ciel.
Un champignon hallucinogène
Cirque d’Immadouzen
Pour en savoir plus…
Les Petits Frères
Au printemps 2008, le plateau était habité par 3 frères, à savoir: Alain, Ventura et Edouard. Edouard était celui qui possédait la plus grande expérience de vie sur le plateau, puisque cela faisait alors 35 ans (!) qu’il y habitait!
L’année suivante, l’équipe des frères était en plein changement: le frère Alain passait ses derniers jours sur le plateau! Il avait eu des problèmes de santé et les responsables de sa communauté ne voulaient plus qu’il reste là-haut. En contrepartie, ils accueillaient maintenant un nouveau frère, Bizcheck, originaire de Pologne. Il était là depuis un an et semblait s’être bien habitué aux conditions de vie du lieu.

Vie quotidienne
Les ‘petites frères’ partagent leur temps entre tâches quotidiennes, service religieux, accueil des pèlerins ou visiteurs, entretiens des communs, et vie dans les ermitages. Ceux-ci sont rudimentaires et se fondent à merveille dans le paysage. Ils ont été construits avec les pierres mêmes du plateau et sont battus par tous les vents. Leur dimension est des plus modestes: peut-être 2m sur 3, juste l’espace nécessaire pour accueillir un lit, une table, une chaise et quelques livres.
A ce propos, je me souviens bien d’une réflexion du frère Ventura, homme simple et généreux par excellence, qui alors que je l’interrogeais sur son mode de vie, me désigna le paysage: « c’est cela qui compte » …la grandeur du paysage, l’espace…
Charles de Foucauld (1858-1916)
Votre ermitage est on ne peut plus commode… La vue est plus belle qu’on ne peut le dire ni l’imaginer. Rien ne peut donner une idée de la forêt de pics et d’aiguilles rocheuses qu’on a à ses pieds : c’est une merveille… » (Lettre adressée à sa cousine, Marie de Bondy) – (Il dit « votre » ermitage, car c’est elle qui l’a financé )

La présence sur le plateau des petits frères s’est faite suite à la venue sur le site du Père Charles de Foucauld, au début du XXème siècle.
Il s’y installe en 1910 et décide d’y construire un petit ermitage. Il choisit cet endroit pour des raisons géographiques qui lui permettront d’entrer en contact avec les Touaregs qui nomadisent autour du plateau.
Cependant, il n’y restera guère plus de cinq mois… et n’y repassera que rarement. Après sa mort en 1916, l’ermitage sera abandonné et tombera en ruine.
Ce ne sera que quarante ans plus tard, en 1955, que deux religieux, membres de la Congrégation des Petits Frères de Jésus, s’y installeront à nouveau. Depuis lors, et jusqu’à aujourd’hui, cette présence se perpétue. Les frères ont construit leurs propres logements à proximité de l’ermitage de Charles de Foucault, mais un peu en contrebas, afin d’être mieux protégés du vent.

Pour en savoir plus:
Biographie de Charles de Foucaud
vidéo : « une vie inutile »- Charles de Foucaud
Venir à l’Assekrem

Deux possibilités sont envisageables pour monter à l’Assekrem, soit en méharée en passant par une agence de voyage, soit par jeep au départ de Tamanrasset. La première solution la plus intéressante puisqu’elle vous permettra d’approcher peu à peu le massif et également de découvrir la vie des Touaregs. La deuxième option est la plus rapide et la plus commode à mettre en place. Un trajet de 3 heures vous permettra de rejoindre le plateau distant de 80 km, sur des pistes de sables ou de graviers plus ou moins chaotiques.